Axe 1 : Agir collectif et émergences de sens à l’ère digitale
Les innovations dans le domaine du digital nous posent des questions fondamentales relatives à ce que nous sommes et ce que nous souhaitons devenir, cela autant sur le plan individuel que collectif. Le monde des entreprises aussi bien que les sphères publiques sont concernés par ces questions. Il convient donc de permettre une élucidation scrupuleuse des discours et des modes de vie, de leur signification existentielle, qui sont engagés par des modes d’organisation qui favorisent de plus en plus des logiques dématérialisation, de transparence et d’automatisation. Quelles visions du monde sont sous-tendues par ces dynamiques qui valorisent l’hyper-connexion et qui engendrent le traitement automatisé de flux de données ? Quels horizons de sens et quel monde commun peuvent émerger à partir d’un agir qui n’est plus seulement « communicationnel » (au sens où les théoriciens de l’Ecole de Francfort ont pu l’analyser), mais « télé-communicationnel »? De manière complémentaire, le développement de nouveaux territoires numériques justifie le renouvellement d’une approche critique. Un enjeu est ici de mieux cerner, à plusieurs disciplines (en intégrant les sciences sociales, le design numérique, l’économie, les sciences de l’ingénieur, etc.), les nouveaux espaces d’innovation sociale et de pratiques contributives qui voient le jour avec la transformation digitale.
Axe 2 : Subjectivation, corporéité et objets connectés
Un enjeu de cet axe consiste à interroger l’influence des technologies contemporaines et des formes qu’elles adoptent sur l’émergence et l’évolution des subjectivités. Nous entendons ici par subjectivité non pas une entité d’emblée autonome, mais le résultat provisoire et fragile d’une construction de soi, d’une constante négociation de ses propres frontières, dans un jeu complexe d’interaction avec les effets de structure induits par les technologies numériques. Le corps est, dans un tel horizon, l’objet d’une réflexion transdisciplinaire incluant des questions normatives et éthiques, de philosophie de la technique ainsi que relatives à l’histoire des processus de subjectivation et d’objectivation (le corps comme enjeu de réification dans le contexte du développement des technologies biométriques, par exemple). Se donner pour tâche d’orienter le présent vers des « avenirs possibles » suppose par conséquent de travailler sans relâche à l’éveil d’une démarche critique constructive à à l’heure où nos environnements numériques sont susceptibles de créer des formes inédites de dépossession et de désubjectivation.
Axe 3 : Identités, autonomie et gouvernance des données
Dans le contexte de l’importance croissante que les entreprises et les États consacrent à nos identités numériques, à leur surveillance ou à leur gestion, il est impérieux de s’interroger, tant du point de vue éthique et politique, sur les effets que ces logiques industrielles, économiques et politiques ont sur le devenir-sujet ainsi que sur nos capacités d’agir dans les environnements numériques. Cet axe de recherche entend assumer ce défi en traitant de l’ambivalence intrinsèque du numérique. Si, par certains aspects, la transformation actuelle ouvre des possibles, par d’autres, en redistribuant différemment le jeu des contraintes et les incitations, elle tend à créer une malléabilité plus grande des individus. Il convient donc d’examiner les nouveaux modes d’existence et de subjectivation qui sont induits par ces opérations, en les articulant aux diverses réalités que les innovations numériques recouvrent (systèmes informatiques de gestion des identités numériques, Big Data et apprentissage machine, objets connectés, Quantified Self, Smart Cities). Un tel effort de discernement est l’une des conditions pour le développement d’un mode de gouvernance plus responsable des données puisse voir le jour.